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« Covid-19 : les mesures d’urgence en transmission de patrimoine » par le Club patrimoine de l’Ordre des experts-comptables
La crise sanitaire et la prise de conscience des risques pesant sur toute personne physique incitent à une approche systématique « audit risques (décès, divorce, incapacité)/solutions ».
À l’occasion d’un webinaire, Serge ANOUCHIAN, Expert-comptable, commissaire aux comptes, président du Club Patrimoine de l’OEC Paris IDF, Jean-François DESBUQUOIS, Avocat associé Fidal, directeur du Département Droit du Patrimoine, et Pascal JULIEN SAINT-AMAND, Notaire à Paris, Président du Groupe Althémis, répondent à nos interrogations sur les mesures d’urgence qui peuvent être prises en cette période de crise sanitaire (testament, clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie, donations notariées ou non à distance, signature d’un pacte Dutreil,…).
Le temps du confinement pour rédiger son testament olographe
Le temps du confinement invite à la réflexion…
Si la transmission des biens s’effectue au décès d’une personne selon les règles de la dévolution légale en l’absence de testament, rien ne vaut l’anticipation en rédigeant son testament.
En définissant ce qui revient à chacun, l’indivision est écartée (et le droit de partage avec !). Lorsque le patrimoine comprend une entreprise, le testament permet d’organiser la gouvernance et de s'assurer que l’enfant repreneur dispose de la majorité des droits de vote pour diriger. En présence d’enfants mineurs, le testament permet de désigner un tuteur (en cas de décès des 2 parents) ou encore un tiers administrateur afin de priver le conjoint survivant de la gestion des biens légués (en cas de mésentente avec le parent dont le testateur est séparé ; c. civ. art. 384). En outre, c’est seulement lorsque le conjoint survivant a bénéficié d’une libéralité (donation au dernier vivant ou testament) qu’il peut cantonner les droits lui revenant à certains biens seulement (c. civ. art. 1094-1, al. 2 ; voir RF 2015-6, § 1711). Enfin, dans la même logique que pour les donations-partage transgénérationnelles, il est possible d'effectuer des legs au profit des petits-enfants. La rédaction suffisamment souple et habile du testament permet en effet de prévoir des sauts de générations ou encore des options.
Le temps du confinement pour auditer les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie
Passer en revue la désignation bénéficiaire des capitaux décès issus d’un contrat d’assurance s’avèrera utile pour optimiser la transmission des capitaux accumulés. En présence de plusieurs bénéficiaires, l’assignation de parts ainsi que la désignation de bénéficiaires à titre subsidiaire seront utiles. Le disposant pourra également prévoir que le bénéficiaire disposera d’un droit d’options au décès : par exemple, tout ou partie du capital décès pour le conjoint survivant, le surplus devant revenir aux enfants. Fiscalement, cette faculté ne vaut pas renonciation à une partie du capital (rép. Malhuret n° 18026, JO 22 septembre 2016, Sén. quest. p. 4058 ; voir FH 3759, §§ 13-12 à 13-14).
En période de confinement, il est tout à fait possible de modifier la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie en transmettant la clause modifiée à son notaire qui l’enregistrera au fichier ADSN et en adressant une lettre recommandée avec avis de réception à la compagnie d’assurance pour l’informer de cette modification.
Enfin, sur la question de savoir si, en présence d’un conjoint survivant marié en communauté universelle, il faut ou non déclarer les capitaux décès en cas de renonciation, tout dépend de savoir si le contrat est ou non dénoué. Si le contrat est dénoué et que le conjoint survivant renonce au bénéfice des capitaux décès, ceux-ci sont transmis aux bénéficiaires subsidiaires. Ils sont déclarés et bénéficient de la fiscalité propre de l’assurance-vie. Si le contrat n’est pas dénoué, il constitue un actif de communauté qui revient au conjoint survivant en cas d’exercice d’une clause d’attribution intégrale de communauté.
Le temps du confinement pour anticiper son décès ou son incapacité
Le mandat de protection future et le mandat à effet posthume permettent d'organiser la gestion des biens d'une personne par un mandataire en cas d'incapacité ou de décès du mandant (voir « Transmission d’entreprise », RF 2019-6, §§ 1700 et s.). Si la mise en place de ces mandats qui peuvent être rédigés, pour le mandat de protection future, sous seing privé ou par acte authentique (dans ce cas, les pouvoirs du mandataire recouvrent les actes de disposition), et pour le mandat posthume, par acte authentique uniquement, s’avère plus délicate durant le confinement, il est néanmoins possible d’initier la discussion avec son conseil. Devront notamment être passés en revue : les actifs concernés, les mandataires désignés, la durée du contrat, ....
Même confinés on peut donner !
Pour les titres, valeurs mobilières ou liquidités, il est toujours possible de recourir aux dons manuels par transfert ou virement des actifs donnés sur le compte du donataire. Le don manuel ainsi consenti sera révélé à l'administration fiscale par le biais d'un imprimé 2735. Un pacte adjoint postérieur pourra constater l'existence du don manuel et ses conditions (avec réserve d'usufruit, par exemple).
Mais quid des donations portant sur des immeubles, parts sociales et autres biens meubles (en dehors des valeurs mobilières ou liquidités) qui ne peuvent être consenties que par acte authentique sous peine de nullité (c. civ. art. 931) ?
Pour les actes notariés consentis depuis le 5 avril 2020 et jusqu’à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, le décret du 3 avril 2020 autorise l'acte notarié par comparution à distance, y compris pour les donations (décret 2020-395 du 3 avril 2020, JO du 4). Par écrans interposés et au moyen d'une connexion cryptée et sécurisée, le notaire instrumentaire identifie et certifie l'identité des parties, procède à la lecture de l'acte, vérifie les consentements, puis recueille simultanément avec le consentement la signature électronique de chaque partie au moyen d'un procédé de signature électronique qualifié. Le notaire signe ensuite l’acte électroniquement. Ce procédé permet ainsi de consentir des donations en toute sécurité, évitant aux plus fragiles de se déplacer.
Signer un engagement Dutreil : plus que jamais d'actualité !
Le pacte fiscal Dutreil constitue le principal régime de faveur permettant de réduire le coût fiscal de la transmission d’une entreprise sociétaire ou individuelle (« ce coin de ciel bleu dans l’environnement fiscal français » dixit Me Pascal JULIEN SAINT-AMAND). Il favorise cette transmission en réduisant de 75 % la base taxable aux droits de mutation à titre gratuit moyennant la souscription d’engagements fiscaux destinés à assurer la pérennité de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation avec possibilité de cumuler, à certaines conditions, le bénéfice d'une réduction de 50 % des droits dus (CGI art. 787 B et 790 ; voir RF 2019-6, § 3000).
Même pendant le confinement, la signature d'un engagement Dutreil est toujours préférable à un engagement réputé acquis (qui risque d'être remis en cause si les conditions ne sont plus remplies ; rép. Moreau n° 99759, JO 7 mars 2017, AN quest. p. 1983) ou à un engagement posthume (qui engendre une situation de dépendance des héritiers).
Cette signature peut intervenir par acte authentique avec comparution à distance ou par acte sous seing privé avec cependant des difficultés d'enregistrement auprès de certains services des impôts.
Les titres compris dans le pacte fiscal pourront ensuite être donnés dans un cadre fiscal intéressant.
Toutefois, en évoquant l'arrêt du Conseil d'État du 23 janvier 2020 selon lequel, dans le cadre du pacte Dutreil, sont susceptibles de bénéficier de l’exonération partielle des droits d’enregistrement « les parts ou actions d’une société qui, ayant également une activité civile autre qu’agricole ou libérale, exerce principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s’appréciant en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice », les intervenants alertent sur un risque éventuel de réforme du pacte Dutreil au vu des conclusions du rapporteur public CE 23 janvier 2020, n° 435562). En effet, ce dernier se pose la question de savoir s'il est légitime que les titres correspondant aux actifs patrimoniaux de la société bénéficient également de l'exonération ? Le risque serait donc de voir les avantages du pacte Dutreil limités, à l'avenir, aux seuls actifs professionnels détenus par les sociétés. Dans ce contexte, avant une réforme éventuelle du pacte Dutreil qui réduirait son intérêt fiscal, la signature d'un pacte fiscal suivie d'une donation des titres est plus que jamais d'actualité.
Pour conclure, quel sera l'impact de la crise sur la valorisation ?
Pour l'IFI 2020, la valeur des actifs à déclarer étant celle établie au 1er janvier 2020, celle-ci ne devrait donc pas subir de décote liée au Covid-19.
En revanche, en matière de transmission, tant le facteur psychologique lié à la crise sanitaire que la baisse temporaire de la valeur de certains actifs (valeurs mobilières, entreprises, immobiliers) devraient favoriser les donations entre vifs, d'autant plus que le donateur a la possibilité de prendre à sa charge les frais et droits sans que cela constitue une donation indirecte et/ou de se réserver l'usufruit sur les biens donnés.
Conférence live du Club patrimoine de l’OEC, 5 mai 2020
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