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Plus-values des particuliers

Apports de titres placés en report d’imposition obligatoire : la soulte inscrite en compte courant dans le viseur

Si pour les apports et échanges de titres réalisés avant 2017, le report d’imposition obligatoire s’appliquait également à la soulte n’excédant pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus, les derniers avis du comité de l’abus de droit pointent le risque inhérent à l’inscription de la soulte au crédit du compte courant de l’apporteur dans la société bénéficiaire, faute de toute justification probante de l’intérêt économique, pour la société bénéficiaire de l’apport, de prévoir le versement d’une soulte.

Apport à une société IS rémunéré en partie par une soulte

La plus-value d'apport de titres à une société soumise à l'IS, réalisé depuis le 14 novembre 2012, fait obligatoirement l'objet d'un report d'imposition si l'apporteur contrôle la société bénéficiaire de l'apport (CGI art. 150-0 B ter). Dans le cas contraire, l’apport relève du régime du sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B).

L’apport rémunéré par des titres de la société bénéficiaire peut également comprendre une soulte dès lors que son montant n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Pour les apports réalisés avant le 1er janvier 2017, le report d’imposition s’applique également au montant de la soulte inférieure à 10 % appréhendée par le contribuable (pour les échanges réalisés depuis 2017, la soulte est imposée immédiatement même si son montant est inférieur à 10 %).

Toutefois, dès ses premiers commentaires parus en juillet 2015, l’administration s’est réservé la possibilité, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal, d’imposer la soulte inférieure à 10 % s’il s’avérait que cette opération ne présentait pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport et qu’elle était uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender une somme d’argent en franchise immédiate d’impôt. L’exemple d’un apport avec soulte inférieure à 10 % est, par ailleurs, repris dans sa carte des pratiques et montages abusifs.

Selon l’administration, l’octroi d’une soulte doit s’inscrire dans le respect du but que le législateur a entendu poursuivre, à savoir encourager certains apports de titres assimilés à des restructurations d’entreprises qui ne dégagent pas de liquidités.

Risque de l’inscription des soultes au compte courant de l’apporteur dans la société bénéficiaire

Dans plusieurs affaires, des contribuables ont apporté des titres qu’ils détenaient à une société soumise à l’IS. L’apport placé sous le régime du report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI a été rémunéré, pour partie, par des titres de la société bénéficiaires et, pour l’autre, par des soultes inscrites au crédit des comptes courants d’associé des apporteurs ouverts dans la société bénéficiaire.

L’administration a considéré que les soultes versées au profit des apporteurs étaient dépourvues de justification économique et avaient pour seul objectif une appréhension de dividendes en franchise d’impôt, contrairement à l’intention du législateur.

Par conséquent, elle a mis en œuvre la procédure de l’abus de droit pour écarter la qualification de soultes et a remis en cause l’application du régime du report d’imposition aux sommes versées. Elle a taxé, au titre de l’année d’apport, les sommes litigieuses dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (CGI art. 109, I.2°).

Le Comité a relèvé que les apporteurs devaient être regardés comme ayant bénéficié de la mise à disposition des soultes litigieuses par inscription au compte courant. L’administration était donc fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal et à appeler la majoration de 80 % (CGI art. 1729, b).

Dans certaines affaires, le comité a estimé que :

-compte-tenu des éléments portés à sa connaissance, ni le pacte d’actionnaires, dont le contribuable se prévalait, conclu entre lui et les autres associés de la société dont les titres avaient été apportés, ni aucun autre document ne permettaient de considérer que, sans la constitution de cette soulte, l’opération d’apport de titres n’aurait pu se réaliser (CADF, avis 2020-01) ;

-l’indisponibilité temporaire des soultes inscrites au crédit des comptes courants d’associés détenus par l’apporteur et son associé était sans incidence à cet égard dès lors que les deux associés, agissant de concert, avaient décidé de cette indisponibilité (CADF, avis 2020-11 et 2020-12) ;

-lorsque le montant de la soulte a été presque intégralement appréhendé au cours des exercices suivants l’apport au moyen de prélèvements financés par des distributions de dividendes de la société dont les titres ont été apportés, l'opération caractérise une appréhension de liquidités en franchise d'impôt (CADF, avis 2020-21).

Pour aller plus loin :

« Titres des dirigeants : quelle fiscalité ? », RF 2018-4, § 7313

CADF, avis 2020-01, 2020-05, 2020-06, 2020-07, 2020-10, 2020-11, 2020-12, 2020-21 et 2020-22, séance du 15 octobre 2020

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