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Donations Successions

Inconstitutionnalité de l'interdiction générale de recevoir pour les aidants familiaux

L'interdiction générale de recevoir, par donation ou legs, des personnes âgées ou handicapées qu'ils assistent frappant les aidants familiaux est déclarée contraire à la Constitution pour les affaires en cours à compter du 13 mars 2021.

Pour qu’une libéralité soit valable, le donateur comme le testateur doivent être capables de disposer et le donataire comme le légataire, capables de recevoir (c. cv. art. 901). Des incapacités de recevoir, qui reposent sur une présomption irréfragable de captation, frappent certaines professions et rendent nulle la libéralité faite en leur faveur (c. civ. art. 909 et 911). Sont notamment visés les membres des professions médicales et de la pharmacie ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins au disposant pendant la maladie dont il meurt ou encore les mandataires judiciaires et personnes assimilées représentant le disposant.

La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (loi 2015-1776 du 28 décembre 2015, modifiée par l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ratifiée par l'article 1er de la loi 2018-287 du 20 avril 2018) a également étendu l’interdiction de recevoir aux aidants familiaux qui comptent, parmi eux, les salariés employés par des particuliers à leur domicile privé qui accomplissent des services à la personne (garde d’enfants, tâches ménagères ou familiales, assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou à la mobilité) (CASF art. L. 116-4).

Estimant que l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles porterait atteinte notamment au droit de propriété et à la liberté contractuelle garantis par la Constitution, empêchant de façon générale aux personnes âgées de gratifier ceux qui leur apportent, contre rémunération, des services à la personne, un contribuable a posé une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour de cassation a transmise au Conseil constitutionnel (cass. civ., 1re ch., 18 décembre 2020, n°20-40060).

Pour le Conseil constitutionnel, si cette interdiction ne vaut que pour les libéralités consenties pendant la période d’assistance du donateur et ne s’applique pas aux gratifications rémunératoires pour services rendus ni, en l’absence d’héritiers en ligne directe, à l’égard des parents jusqu’au 4e degré, il n’en demeure pas moins que les dispositions contestées limitent les personnes âgées, handicapées ou celles qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicilie ou d’une aide à la mobilité dans leur capacité de disposer librement de leur patrimoine.

Or, le droit de disposer librement de son patrimoine étant un attribut du droit de propriété, ces dispositions portent une atteinte disproportionnée à ce droit par rapport à l’objectif poursuivi par le législateur qui est de protéger les personnes vulnérables, dans la mesure où l’interdiction s’applique même dans le cas où pourrait être apportée la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du disposant à l’égard de la personne qui l’assiste.

Par conséquent, cette interdiction générale de disposer au profit des aidants familiaux doit être déclarée contraire à la Constitution. Cette déclaration d’inconstitutionnalité s’applique à toutes les affaires non jugées définitivement à la date du 13 mars 2021 (date de publication au JO).

Pour aller plus loin :

« Donations Successions », RF 2020-6, §§ 213 et 1354

Cons. constit. décision 2020-888 QPC du 12 mars 2021

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