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Patrimoine,Fiscal

Démembrement de propriété

L’apport en société d’un usufruit viager préconstitué sur la tête du cédant reste un usufruit viager

L'apport d’un usufruit viager préconstitué sur la tête du cédant au profit d’une société ne doit pas être regardé comme une cession d’un usufruit temporaire même en cas d’apport pour une durée de 30 ans.

Un père a consenti à sa fille en 2013 une donation-partage portant sur l’usufruit viager de 36 parts sociales d’une SNC. Quelques mois plus tard, la donataire a apporté à une société créée pour les besoins l’usufruit donné portant sur les 36 parts sociales pour une durée de 30 ans. En rémunération de son apport, elle a reçu des titres en pleine propriété à hauteur de la valeur de l’usufruit apporté.

À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration a estimé que l’apport de l’usufruit des parts à la société relevait de l’article 13,5 du CGI. Cet article soumet le produit de la première cession à titre onéreux d’un usufruit à durée fixe à l’impôt sur le revenu, dans la même catégorie de revenus que celle dont relèvent les fruits procurés ou susceptibles d’être procurée par le bien grevé aux lieu et place du régime d’imposition des plus-values. En conséquence, l’administration l’a assujettie à des cotisations supplémentaires d’IR et de CEHR dans la catégorie des BIC, ce qu’elle a contesté.

Déboutée en première instance, elle fait appel.

Pour la Cour administrative d’appel, il ressort de l’article 617 du code civil que l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier ou par l’expiration de la durée fixée.

Les dispositions d’ordre public de l’article 619 du code civil qui précisent que l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que 30 ans n’ont pas pour effet de faire perdre son caractère viager à l’usufruit apporté. Ces dispositions ont seulement pour conséquence qu’une personne physique bénéficiant d’un usufruit viager ne peut pas le céder à une personne morale pour une durée supérieure à 30 ans alors même qu’elle aurait eu l’intention de ne pas fixer un terme à l’usufruit cédé.

Ainsi, dans l’hypothèse où une personne physique entend céder à titre onéreux un usufruit viager à une personne morale, cette cession, lorsqu’elle est consentie pour une durée de 30 ans, ne doit pas être regardée comme portant sur un usufruit à durée fixe.

La Cour administrative d’appel infirme donc la doctrine administrative qui distingue selon que l’apport de l’usufruit viager, déjà préconstitué sur la tête du cédant, à une société prévoit ou non une durée fixe (BOFiP-IR-BASE-10-10-30-§ 90-06/04/2017). Dans tous les cas, cet apport porte sur un usufruit viager et échappe à l’article 13,5 du CGI.

En revanche, on rappelle que lorsque l’usufruit est détaché de la pleine propriété du cédant, sa cession au profit d’une personne morale relève de l’article 13,5 du CGI.

Pour aller plus loin :

Voir « Société civile immobilière », RF 2021-3, § 90

CAA Paris 5 octobre 2021, n°20PA01257

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