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Donations - Successions

Hériter de ses parents n’est pas un droit général et inconditionnel

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) ne reconnaît pas un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d’une partie des biens de leurs parents.

Par plusieurs arrêts rendus en 2017, la Cour de cassation a déclaré qu’une loi étrangère qui ne connaissait pas la réserve successorale n’était pas, en soi, contraire à l’ordre public international et devait normalement recevoir application en France (cass. civ., 1re ch., 27 septembre 2017, n°s 16-13151 et 16-17198 et 16-13151).

En l’espèce, par l’effet d'un trust constitué par le défunt, en application de la loi californienne qui ne connaît pas la réserve, aucune succession ne fut ouverte en France et les enfants du défunt furent évincés de sa succession, celle-ci revenant à son épouse survivante conformément à son testament.

Si les héritiers avaient bien invoqué le droit de prélèvement compensatoire des héritiers français exclus d’une succession régie par une loi étrangère, instauré par l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819, né au jour du décès en 2009 selon eux, la Cour de cassation avait considéré que l’abrogation de ce droit par le Conseil constitutionnel en 2011 (C. constit., décision 2011-159 QPC du 5 août 2011) s’appliquait immédiatement et sans réserve aux successions non encore liquidées.

S’estimant alors victimes d’un vide juridique créé par la déclaration d’inconstitutionnalité jusqu’à l’adoption de la loi confortant le respect des principes de la République de 2021 qui avait rétabli ce droit de prélèvement au 1er novembre 2021 permettant à tous les enfants omis par le défunt de récupérer sur les biens situés en France l’équivalent de leur réserve dès lors qu’ils ont été déshérités par application d’une loi étrangère (loi 2021-1109 du 24 août 2021 ; c. civ. art. 913 ; voir FH 3905, § 11-22), dont ils ne pouvaient pas bénéficier, les héritiers lésés ont saisi la CEDH. Pour les requérants, la disparition temporaire du droit de prélèvement compensatoire a entraîné une rupture d’égalité devant la loi des enfants se trouvant dans une même situation successorale.

Pour la CEDH, l’absence de modulation dans le temps des effets de la décision du Conseil constitutionnel pour les litiges en cours, ayant eu pour conséquence le rejet des prétentions des requérants par les juridictions internes dans le litige pendant, n’a pas revêtu un caractère disproportionné, rompant le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux. Notamment, la Cour ne voit pas de raison de se départir du raisonnement des juridictions internes dans la mesure où elle n’a jamais reconnu l’existence d’un droit général et inconditionnel des enfants à héritier d’une partie des biens de leurs parents.

Pour aller plus loin :

« Donations – Successions », RF 2023-6, § 4329

CEDH 15 février 2024, n° 14157/18, affaire Jarre

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